Signy l’Abbaye : c’est fini …

On part de Givet sous un magnifique soleil d’hiver, ça caille terrible et il a gelé durant la nuit.

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On se gaufre comme deux vieilles crottes sur la route couverte de verglas. On rejoint rapidement la voie verte qui bien évidemment est super glissante et ce jusque 11h du matin. Pierrot se prend trois bonnes gamelles et finit par trouer son pantalon. L’après-midi, nous arrivons à Monthermé où nous serons logés dans une chambre d’hôtes chez Thérèse et Roland.

Le lendemain, on patiente puisque le rendez-vous est à 14h15. On fait des paris pour savoir combien de courageux braveront le froid et les prévisions de pluie pour rouler avec nous. Nous mangeons dans un restau en bord de Meuse et à 13h, on voit un puis deux vélos. Puis un groupe entier. Immense surprise pour moi, car le moulin de Signy l’Abbaye est venu en force, certain accompagné de leur femme et enfant. Ils sont partis de Charleville et vont donc se taper l’aller-retour, soit une cinquantaine de kilomètres. Je les remercie du fond du cœur, car je sais que pour certains d’entre eux, c’est un exploit sportif.

Christel et Cyril nous rejoignent en voiture et nous fournissent les vivres pour tenir le coup jusqu’au bout : un saucisson et un camembert !

On savait que les potes très proches devaient arriver avec leur vélo par le train et c’est pour cela que le rendez-vous avait été fixé à 14h15. A 14h30, ils ne sont toujours pas là. On est super déçu avec Pierrot, mais il faut prendre la route car on commence à cailler.

Deux minutes après, on les voit arriver devant nous, Olive, Tonio, Le Chef, Raph, JC. Une grève de la SNCF les aura obligés à pédaler comme des dingues pour honorer leur promesse et nous rejoindre à Monthermé. Nous sommes donc maintenant quinze à pédaler sur la voie verte. Bien au-delà de nos espérances.

En route, on croise un garçon d’une dizaine d’année arrêté le long de la piste qui me lance : « vous êtes les Terr’Ailleurs ? ». J’éclate de rire, à croire qu’on est devenu des célébrités. C’est Léo Groud, féru de vélo qui nous a suivis régulièrement sur le blog et que je n’avais pas reconnu avec son bonnet. On récupère sa Mamé quelques kilomètres plus loin. Peu avant l’arrivée, on rencontre Sophie et sa fille Camille qui du haut de ses six ans nous accompagnera jusqu’au bout. Sa sœur jumelle Louise, malade, nous attend de l’autre côté de la ligne d’arrivée.

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Vers 16h00, nous arrivons enfin au bout de la piste cyclable. On voit au loin une arche gonflable (on dirait une arrivée du Tour de France) et derrière, ils sont tous là (ou presque). Famille, amis, voisins, collègues qui poireautent dans le froid pour nous accueillir. Que c’est bon de tous les revoir, c’est terriblement émouvant. On nous accueille avec un excellent vin chaud (merci Nanou), des gâteaux, des gaufres, des crêpes.

 

 

 

 

 

Samedi, 16h00, Maman : « Ohhhhhhaaaaaaaahhhhhrrrrrrrrrr !!!!! »

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Quelques heures après, le temps de se réchauffer, de prendre une douche chaude et d’enfiler des fringues qui sont le moins crades possibles, on se retrouve à la Brasserie d’Aubilly. La soirée finit vers 2h du mat’ avec les irréductibles, après un karaoké toujours aussi insupportable auditivement parlant.

 

 

 

Le lendemain matin, un peu vaseux, on quitte Olive et Nanou qui nous avaient hébergés pour la nuit. Nous ferons cette dernière étape intimement, tous les deux et c’est très bien comme ça car je me sens un peu bizarre pour ces derniers kilomètres. On suit cette route que l’on connaît par cœur, et à 13h, on voit enfin le panneau : Signy l’Abbaye. Et voilà, objectif atteint, nous voilà arrivé à la maison.

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Dimanche, 13h00, Maman : « Ohhhhhhaaaaaaaahhhhhrrrrrrrrrr !!!!! »

 

 

 

 

 

FIN (où l’on découvre un dernier paradoxe : ici, rien n’a changé pourtant, tout est différent…)

 

Voilà, voilà, voilà… On est à la maison… Super… On a retrouvé notre bon vieux chien Ulysse, un peu obèse, mais bon… Super… On a un nouveau frigo, bien rempli, merci Maman, merci Papa… Super… On a retrouvé un lit extrêmement confortable… Alors pourquoi j’arrive pas à dormir ? On a retrouvé une belle batterie de cuisine, des plaques à induction, un four… Alors pourquoi j’ai pas envie de faire à manger ? On a retrouvé une TV grand écran, des chaînes et des programmes en français… Alors pourquoi on ne l’allume pas ? On a retrouvé une belle petite ville avec un beau cinéma… Alors pourquoi on reste plantés à l’entrée pendant dix minutes et qu’on finit par rentrer chez nous sans rien aller voir ?

          Tout est comme avant… Super… Mais pourquoi rien n’est pareil ?

          C’est parce que c’est toi qui a changé. Il est con, lui !

          … peut-être, mais ça grimpe…

 

Ouais, ouais, ça doit être ça. J’ai changé. Problème d’acclimatation. D’atterrissage.

Alors attention ! Il n’y a pas mort d’homme ! Ce n’est pas la souffrance ! Pas de déchirement tragique ! Mais des petites choses… Je ne sais pas pourquoi, tout est un peu fade. Je ne sais pas pourquoi, des fois, des larmes me montent aux yeux. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai envie de rien… Et pourquoi, depuis qu’on est rentrés, on se marre beaucoup moins ?

 

Ça va passer. Il ne faut pas s’écouter.

 

Alors voilà, on va gentiment laisser le temps passer, on va essayer de trouver des destinations sympas, essayer de remplir le compte en banque… On va aussi faire en sorte d’oublier les désagréments de la bagnole, les assurances à souscrire, le PC à réparer, le boulot à reprendre… On va se concentrer sur la famille et les amis qui sont venus nous accueillir samedi dernier, sur la raclette et le confit de canard qu’il nous reste à engloutir, et sur le Nazca Gaucho que je vais accueillir avec joie pour mon anniversaire ! Bref, quelques compensations dans une vie de merde, d’accord, mais des fois, on peut partir à vélo ! Alors ?! C’est pas chouette ça ?!

 

Allez… Des bises, et à bientôt les Aminches !

 

Si on fait un rapide bilan du sondage qui était sur le blog, il s’avère que sur 85 votes, il y a 49 réponses disant que le projet est génial et que vous iriez bien avec nous. On se doute que ce n’est pas le « avec nous » qui vous a fait voter, mais le « iriez ». Dans ce cas, la balle est dans votre camp. Le plus dur n’est pas le vent, la pluie, la piste, les douches dans les rivières, la lessive à la main, les pâtes au thon tous les deux jours, les côtes à 16%, mais finalement c’est de prendre la décision de partir. Car ce n’est jamais le bon moment, il y a toujours des freins que ça soit au niveau personnel ou professionnel. Si on attend le bon moment, on risque de rester longtemps à Signy l’Abbaye.

Et finalement, il n’y a pas de profil type pour cette aventure. On a vu des jeunes, des moins jeunes (comme nous, quoi), des beaucoup plus vieux, des solitaires, des couples, des familles avec enfants, et tout ce monde-là était à pied ou à vélo ou en camping-car. En tout cas, tous étaient heureux. Heureux de découvrir tous les jours d’autres modes de vie, d’autres paysages, d’autres cultures, d’autres odeurs, d’autres couleurs …

On se demandait aussi comment nous allions supporter de vivre l’un avec l’autre pendant presque sept mois, sept jours sur sept, vingt-quatre sur vingt-quatre. A la lecture de certains blogs de cyclo voyageurs, certains couples n’ont pas résisté et l’un est rentré au bercail en laissant l’autre continuer le voyage. Pour nous, on ne s’est jamais autant marré que durant cette période. Il y a bien évidemment eu des moments de friction mais qui se sont apaisés beaucoup plus rapidement que s’ils s’étaient passés à la maison. On apprend à faire des concessions, à ne pas être rancunier, à dédramatiser, à prendre sur soi si on ne veut pas que le voyage devienne un enfer.

Cette période d’un peu plus de 6 mois de voyage était idéale. On commençait sur les dernières semaines à avoir une sorte de lassitude du vélo, parce que finalement c’est aussi une autre routine qui s’installe (ranger la tente, préparer les vélos, pédaler, manger, pédaler, remonter la tente, …). On avait besoin de se poser, d’avoir un chez soi avec nos repères, de revoir nos proches, d’avoir un peu plus de confort, d’avoir une nourriture plus variée. Personnellement, je préfèrerai faire deux voyages de 6 mois plutôt qu’un d’une année.

J’aimais bien ce blog. A chaque post, on attendait avec impatience de lire vos commentaires. Sachez qu’ils ont été pour nous bien souvent une source d’énergie. Quand on en avait marre, qu’il faisait trop froid, qu’il y avait trop de vent, que ça faisait trop mal, on devait continuer car certes il y avait notre pari à relever, mais il y avait aussi plus de 150 personnes qui nous suivaient régulièrement. Du coup, ça nous a aussi incités à faire pas mal de photos (plus de 40 000) et de vidéos (beaucoup, beaucoup d’heures) pour alimenter le blog. Donc, merci, merci à vous.

Pour conclure, l’expérience fut des plus enrichissantes et on en sort grandis. A renouveler le plus rapidement possible.

 

 

 

 

19 réflexions sur « Signy l’Abbaye : c’est fini … »

  1. Bon retour au village. Désolé de ne pas avoir pu vous suivre ces dernières semaines et de ne pas être allé vous rejoindre à charleville, mais des raisons personnelles m’ont éloignées du blog. Bisous.

  2. Bon ben… c’était bien… Nous aussi on a retrouvé notre routine, mais sur internet : spams, factures en ligne, rappel de la bibliothèque, amis facebook inconnus, pétitions bidons, presse people débile…
    De mémoire, je crois que je faisais partie des 49 prétentieux qui rêvaient de partir avec vous. Aujourd’hui je fais partie des 85 envieux qui rêvent d’avoir votre pêche, votre humour, votre goût de la simplicité, votre force de couple…
    Bon courage pour lutter contre ce sentiment de vide qui vous rince la boite crânienne, vous contrarie la cavité abdominale, vous coupe les genoux, vous abaisse les épaules au niveau des pectoraux, vous presse les tempes, vous voile les yeux, vous affaisse les joues, vous défrise le cuir chevelu, vous cloue le bec, vous liquéfie les seins et vous rend tellement couillon !!!
    Tant pis pour vous, vous l’avez bien cherché !
    je penserai à vous lundi…

    1. Dommage que ça s’arrête, tes commentaires étaient de plus en plus inspirés ! En tout cas, merci à vous pour ce soutien constant, ce regard qu’on sentait toujours au dessus de notre épaule… Vous faites parti de ce périple à part entière. Bravo à vous.

  3. Salut!
    Oui c’est vrai qu’elle est barbante cette vie, ces petits soucis insignifiants et pour lesquels on se bouffe pourtant la vie: boucler les fins de mois, tenir sa maison, gérer les conflits au travail… Mais elle est aussi faite de petits bonheurs, les potes, la famille… Oui, c’est différent, et je peux presque ressentir le vide pour vous, d’ailleurs la semaine dernière je me suis réveillée un matin, paniquée, me demandant ce que je foutais bordel, à laisser filer la vie comme ça sans la vivre vraiment, et puis après avoir bu mon café je me suis souvenue… Les p’tits bonheurs, la famille… ça console, en attendant d’avoir l’occasion de vivre une aventure exceptionnelle comme celle que vous venez de vivre. Alors je penserai très fort à vous deux demain, et on se voit bientôt! Allez, courage, vous êtes les Terrailleurs bordel! 😉

  4. :p Si non on peut vous prêter vot’ nièce si vous rigolez pas assez, avec elle c’est spectacle assuré, elle est du genre implacable comme anti-dépresseur!

  5. Y’en a qui rentrent, y’en a qui partent. On se croise, ou pas, on se suit ou on se précède par blogs interposés.
    Pas deux voyages pareils, pas deux rêves identiques, mais toujours une volonté de partir, de repartir, d’aller de l’avant, ailleurs.
    Bravo !
    Et pour tous ceux qui n’ont pas encore franchi le pas, n’attendez pas plus: C’est dans la tête que ça se passe, le reste suivra.
    Bonne route !!!

  6. oui! bon courage à vous pour la reprise! votre blog va me manquer car c’était merveilleux de partager vos aventures.J’ai bien aimé vos sentiments livrés comme cela, simplement, mais tellement vrais! et cet humour bien à vous.(je suis toujours étonnée de tes remarques parfois fracassantes Pierrot et j’aime ta façon d’écrire Béa) j’ai été contente de vous retrouver sur la route. cela faisait plaisir de voir votre mine joyeuse et étonnée.C’est une belle leçon de vie que vous venez de faire et que vous nous avez offerte.J’ai le sentiment de connaître ce que vous ressentez. il se passait la même chose pour moi quand j’étais enfant et que les grandes vacances se terminaient! la tristesse de la rentrée scolaire: c’était abominable! Que c’était difficile!et puis au bout de quelques temps, cela passait et je revoyais l’aventure…parce que c’est bien chacun qui fait son aventure. Alors…cela va passer…Bon courage pour apprécier encore les petites aventures journalières.Bien à vous amicalement.

  7. Merci, grâce à votre blog nous avons vécu (dans le confort) un peu de votre aventure, ce feuilleton va nous manqué
    merci de nous faire découvrir d’autres continents a travers vos magnifiques photos et aussi de nous donner l’envie de pédaler.

    Bon retour à la vie normale

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